12 janv. 2012

Urbanistes méconnus, le clash ! (partie 1/3) : Mickey




Mickey... ce grand urbaniste ? 

A l'heure où les villes, semble-t-il, tendent de plus en plus à ressembler à des parcs d'attractions pour touristes-citadins 2.0, explorateurs dans leur propre environnement mais adeptes d'un mode de vi(e)lle aseptisée, on peut se demander si l'urbanisme et les politiques qui sont derrière ces transformations ne puisent pas leur source chez la célèbre souris aux grandes oreilles.

Les parcs à thème et "resort" Disneyland, Disney World, Disneyland Paris et autres adaptations asiatiques peuvent sans doute compter parmi les plus grandes opérations urbanistiques du siècle dernier. Construire à partir du vide, aménager un espace libre de toute histoire (si ce n'est agricole), sans contrainte de tissu urbain pré-existant, de respect du patrimoine ou de prise en compte des aspirations des citadins; cela n'est-il pas le terrain de jeu rêvé pour un penseur de ville moderne ?


Ah ça, Monsieur Walt a dû kiffer sa race d'urbaniste mégalo, enfermé dans sa "Florida room" en Californie pour l'élaboration de son gigantesque projet de ville du futur sur le site de Walt Disney World d'Orlando (les parcs à thèmes furent alors relégués au rang de machines à fric pour financer la démesure et la folie d'un tel projet).


EPCOT, pour Experimental Prototype Community of Tomorrow.. tout un programme. Une ville futuriste conçue avec la naïveté propre à une époque où l'on rêvait un début du XXIème siècle fait de voitures volantes et de vacances sur la Lune. 

Outre l'aspect onirique du projet, il est intéressant de constater que Walt Disney reprend à son compte bon nombres de théories fonctionnalistes à la Charles-Edouard Jeanneret.


Séparation des circulations avec une grande station multimodale centrale où convergent les grandes autoroutes extérieures et d'où est distribuée l'ensemble des circulations urbaines intra-muros. 


Séparation des fonctions avec une zone commerciale et un centre des affaires au centre, une ceinture verte séparant le coeur de ville des lieux d'habitation. Une carte colorée comme les aiment les adeptes de l'urbanisme de secteurs. 



Sur le plan architectural, le projet EPCOT poursuit la lancée de "l'architecture réconfortante" telle que pratiquée par Walt Disney et ses sbires. Dans le centre commercial géant et couvert, il est proposé aux clients un voyage à travers les grandes villes du monde occidental, dans un parti pris architectural rétrospectif. Il s'agit d'évoquer "le bon vieux temps", celui des petits commerçants, de la bonne morale, de la sécurité et de la convivialité entre voisins, comme cela est pratiqué dans tous les parcs à thèmes du groupe à travers le monde avec la célèbre "main street" accueillant les visiteurs. 



Autant dire qu'ici, Walt fait le grand écart avec les principes précédents qui relevaient d'un modernisme exalté reléguant dans le passé les anciennes méthodes et les vieilles pratiques de la ville.

Le reve de Disney s'est-il réalisé ? Après la mort de Walt Disney en 1966 le projet EPCOT fut revu largement à la baisse car la nouvelle équipe en charge de la compagnie se trouvait devant un défi urbain insurmontable pour ce qui reste à la base un studio de cinéma, il faut le rappeler. Seul un parc à thème fut construit sur le site de Walt Disney World, celui-ci ayant pour thème l'innovation technologique et industrielle dans la lignée des expositions universelles de la fin du 19ème siècle. 

La Walt Disney Company n'a cependant pas mis au placard ses projets immobiliers, loin s'en faut. Abandonnant la vision progressiste du père fondateur, la multinationale s'est retournée vers l'histoire, vers un passé largement mythifié, devenant leader incontesté de l'architecture postmoderne, une architecture adepte du pastiche et du vernaculaire standardisé, s'opposant frontalement à l'architecture internationale des buildings, des parois de verres et de la démesure.

Un quartier résidentiel de la ville de Celebration. So cute, isn'it ?

A Celebration en Floride et au Val d'Europe à Marne-la-Vallée, l'empire Disney s'est installé pour construire des villes hors du temps et de l'espace. Deux iles urbaines qui proposent aux plus riches un cadre de vie propre, et sécurisant, dans un décor de carton-pate qui n'en est pas un. 

Le centre-ville du Val d'Europe. Apparemment ancien, réellement nouveau. 

Etudié par le sociologue Hacène Belmessous dans "Le nouveau bonheur français", le cas français du Val d'Europe est analysé sous l'angle de l'exclusion, de la privatisation de la conception d'un espace urbain néo-libéral. Fondé sur l'individualisme, cette ville largement privée jette le discrédit sur les grandes opérations urbaines de la seconde moitié du XXème siècle, la politique des grands ensembles notamment. Les propriétés privées gérées par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux de mixité sociale sont construites selon des conventions architecturales dictées par la Walt Disney Company elle-meme. Au Val d'Europe, point de salut pour les marginaux, les catégories populaires ou meme la classe moyenne inférieure. Nombre d'habitants, "las d'une ville usée par le conflit et le chaos" déclarent ainsi leur fierté "d'avoir payé souvent très cher et sans discuter leur droit à la perfection du bonheur"

Le new urbanism dans toute sa splendeur

Cette façon de concevoir la ville a été théorisée avec le mouvement du "New Urbanism" fondé sur les principes qui ont édicté la construction de la ville de Célébration en Floride. Cette révolte face aux supposées monstruosités d'un urbanisme plus soucieux de cohésion urbaine mais générateur de conflits sociaux a maintenant ses adeptes parmi les professionnels français. L'urbanisme disneyien a fait des petits, que ce soit au Plessis-Robinson ou au Port Grimaud, voir

Mais est-ce qu'un urbaniste qui ignore ouvertement les problématiques sociologiques et économiques et l'histoire d'un territoire est réellement un urbaniste ? Visiblement, avec Mickey, tout devient possible mais pas pour tout le monde.


8 janv. 2012

Vers une nouvelle mobilité urbaine


Suite à notre petit inventaire des nouvelles pratiques de la mobilité extrême, voici quelques applications accessibles pour le commun des citadins. En attendant de voir un métro tournoyer entre les buildings pour en desservir les étages les plus hauts, vidéos ici, quelques expériences abordent la mobilité urbaine dans une nouvelle dimension.

C'est le cas du Métropole Parasol de Séville qui offre une vision totalement inédite de la ville et laisse imaginer de nouvelles façons de s'y déplacer. Pour le moment le circuit permet juste de faire le tour du site, mais ce type d'infrastructure pourrait être "greffée" à un tissu urbain déjà existant offrant ainsi une nouvelle manière de parcourir la ville. 



Dans le même style, un autre circuit piéton en Allemagne près de Duisburg, plus de d'info ici. Ces expérimentations témoignent du regain d'intérêt pour la mobilité piétonne en ville. Après l'échec de l'urbanisme sur dalles, ces circuits alternatifs faits de passerelles offrant plus de souplesse et de légèreté, sont peut-être une des solutions. 


Dans un autre registre et dans un autre milieu, après l'installation d'un téléphérique dans les favelas de Rio, c'est maintenant une enfilade d'escalators qui vient compléter la panoplie possible des transports en milieu urbain très dense et escarpé. Ces réponses ne sont-elles pas plus excitantes que la déferlante de tramways en site propre ou que les prochaines armada d'auto-lib qui vont envahir nos villes suite au "succés" du service ?

le Métrocâble au dessus des favelas de Rio

escalators dans un bidonville en Bolivie

Pour le moment nos administrations et nos chers politiques ont 30 ans de retard, si ce n'est plus. Mais nous pouvons espérer que le renouvellement des générations fera table rase de tout cet immobilisme en matière de mobilité. Heureusement les consultants indépendants et autres jeunes urbanistes et utopistes (ou les deux?) se chargent de repenser la mobilité de demain au croisement de ce qui se fait aujourd'hui. Ici, l'interview de François Bellanger, animateur du programme de consultation Transit-City et rédacteur de l'excellent blog associé ici.


Ces capsules de verre suspendues à des rails en pleine ville, vision utopique ? Pas tant que ça, récemment Google a investi 1 million de dollars dans la société Shweeb qui produit ce drôle de monorail à pédale. Nous verrons peut être bientôt les développeurs jeunes et branchés de Google traverser le campus de l'entreprise à bord de ces capsules.

Cet inventaire n'est bien entendu pas exhaustif mais il présente une partie de ce qui se fait de nouveau en matière de mobilité. Bien que ces expériences ouvrent le champ des possibilités elles restent associées à des infrastructures très importantes nécessitant des investissements énormes. Ce n'est que devant le mur que les autorités responsables, qui pourrissent la vie des automobilistes au lieu de proposer de réelles alternatives ou qui dessinent des itinéraires de tramway dont personne ne veut, accepteront peut-être d'écouter d'autres discours et d'essayer de nouvelles choses. En attendant quelques éléments de réponses sont déjà entre nos mains comme les smart-phones qui peuvent rapidement mettre en relation des automobilistes se rendant au même endroit grâce à des applications dédiées. Ces mêmes smart-phones qui rendent plus facile l'utilisation des services de vélos en libre services indiquant en permanence à l'utilisateur averti le nombre de vélos disponible dans chaque station. De véritable communautés de citadins connectés se mettent en place faisant une utilisation plus intelligente de l'offre de transport aujourd'hui à notre disposition. 

3 janv. 2012

Pause onirique 3

La frénésie d'une ville de 7 millions d'habitants, Saigon au Vietnam. Une activité humaine que notre vieille Europe ne supporterait surement pas. Mais surtout un incubateur de nouvelles pratiques urbaines à grande échelle. Les enjeux de demain se sont eux aussi délocalisés vers ces pays émergents qui ont soif de développement et ne sont pas encore sclérosés pas les réglementations et les administrations.